Nous avions précédemment évoqué les œuvres pour orgue de Maurice Duruflé, et ainsi présenté succinctement ce dernier. Très souvent couplé au disque avec le Requiem de Fauré (c’est encore le cas ici), ce dernier semble avoir été le modèle pour Duruflé quand il composa son chef d’œuvre en 1947. Ces deux messes pour les morts ont effectivement de nombreuses similitudes, à commencer par leurs durées très proches. Mais ce qui frappe immédiatement l’esprit de n’importe quel auditeur c’est évidemment la proximité de l’ambiance dégagée par les deux œuvres. Moment d’apaisement extrême, le violent Dies Irae (en pense évidemment à Verdi) est banni. Pas d’avantage de final grandiloquent, Duruflé comme l’avait fait Fauré évite tout spectaculaire. Cette esthétique est liée en partie à son utilisation de thèmes grégoriens. Pour autant, ce calme extatique est-il vraiment plus prometteur de salut que les requiem plus emportés ou plus désespérés ? Ce n’est pas certain car ce côté plus rassurant, contient aussi sa profondeur, peut être plus insondable et abyssale.
L’œuvre exige un chœur mixte, une mezzo-soprano et un baryton. Pour les instruments cela dépend la version choisie. En effet Duruflé a écrit trois instrumentations possibles : l’originale pour grand orchestre et orgue, une version avec seulement l’orgue, et une version pour orchestre réduit et orgue. On remarque la présence systématique de l’orgue, ce qui n’a rien d’étonnant vu l’importance de l’instrument dans la vie de compositeur, mais qui le distingue un peu de Fauré où certes l’orgue est présent mais ce dernier (lui aussi organiste, même si contrairement à Duruflé il ne laissa hélas pas de pièce pour orgue seul) n’a pas créé de version avec l’orgue pour seul accompagnant. J’ai choisi de présenter ici la version pour orgue seul, car cela me semble le plus dans l’esprit du compositeur et de l’œuvre. L’orgue, et seulement lui, pour soutenir le chant choral et soliste, peut être vu comme une volonté de rentrer dans le cadre de la liturgie, et de rompre avec l’habitude prise de faire rentrer l’orchestre dans l’église. Habitude qui relevait plus de la logique du concert.
L’enregistrement présenté ici date de 1980. Le chœur du King’s College de Cambridge nous montre que le raffinement anglais fait bonne noce avec le raffinement français. L’orgue au son joliment feutré parfaitement capté, sous les doigts de John Butt, se révèle tout à fait enchanteur.