Rameau : Les Indes galantes (W. Christie)

e8a5c27a02a0f44e94b9a110_L__AA300_Les Indes galantes est de loin le plus célèbre (pour ne pas dire le seul) des opéra-ballet. Ce genre, exclusivement français, remonte au XVIIième siècle. Il donne une grande place à la danse, en réduisant les intrigues au minimum. D’ailleurs les parties de l’oeuvre, apellées entrées, ont des intrigues (toujours amoureuses) totalement séparées. Il est clair cependant que l’amateur de tragédie lyrique ne sera pas dépaysé, pas plus sur le plan musical que du langage.

 Deuxième opus lyrique de Rameau, créé en 1735, il n’en est pas moins comme celui qui précède, (Hippolyte et Aricie) un chef d’oeuvre. Comme ailleurs chez Rameau, on est séduit par son harmonie envoûtante, sa ligne de chant inspirée et non dénuée de surprises et son orchestration raffinée. Les airs solistes sont d’une grande beauté : « Vous, qui d’Hébé suivez les lois », « Amants sûrs de plaire », « Régnez, amours », « Viens Hymen » ou encore « Soleil, on a détruit tes superbes asiles ». Mais ça serait oublier les magnifiques ensembles ou choeurs. Il est d’ailleurs difficile de complètement différencier airs et choeurs, car ils sont souvent liés voire totalement enchevêtrés comme « Vaste empire des mers » auquel répond le choeur des matelots, exactement comme les magnifiques « Brillant soleil » et « Les flambeaux du monde ». Ou encore le sublime duo « Volez, Zéphyrs, tendres amants de Flore » suivi de choeurs. Vous le voyez il est difficile de vouloir nommer tous les bijoux de cette partition. Bizarrement les ballets me semblent moins marquants (si on excepte la géniale ouverture).

La version ici présentée est celle de William Christie, si ce n’est spécialiste (car forcément réducteur) du moins grand amoureux du baroque français. C’est la seule vraie version disponible : les autres sont souvent coupées ou d’un style douteux. Il reste hélas le problème des rééditions : Harmonia Mundi n’a pas réédité cet enregistrement et il commence à devenir assez cher (presque 50€), avant de devenir certainement indisponible d’ici quelques temps. Et c’est évidemment très dommage car Christie s’y montre à la fois dansant, précis, capable des plus belles transparences sur les moments les plus langoureux. Le plateau vocal est irréprochable, qu’il s’agisse des féériques sopranes, des deux hautes-contre ou des voix graves. Pour couper les cheveux en quatre, on pourrait parler du timbre un peu spécial de Jean-Paul Fouchécourt, auquel on peut préférer le timbre d’Howard Crook. Bernard Deletré et Jérôme Corréas chantent les rôles de basse avec une grande maîtrise : le medium est clair et éclatant, l’aigu très bien géré, le grave présent (bien que sur ce dernier point il me semble que Laurent Naouri soit plus à l’aise, et aurait pu tenir ces rôles).

Si vous hésitez encore après un tel éloge, je ne peux plus rien pour vous !

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2 réponses à Rameau : Les Indes galantes (W. Christie)

  1. DavidLeMarrec dit :

    Pardon de paraître faire la fine bouche, mais ce studio me paraît sentir un peu la boîte – ce qu’il a fait sur le vif, paru depuis au DVD, avec des chanteurs moins légendaires (mais tout aussi bons), est beaucoup plus vivant. Un peu comme l’Atys de studio fait avant les représentations de 87.

    Je ne suis pas un inconditionnel de cette partition pour la raison que tu as énoncée : malgré le concept original des « Indes », le ballet à entrées ne peut jamais aller très loin dans le texte et les psychologies, puisqu’en plus de la part des divertissements, l’oeuvre est divisée en intrigues totalement distinctes. On se retrouve avec une exposition et un dénouement juxtaposés… et des schémas simplissimes d’amour à trois.

    Néanmoins, les danses sont parmi les plus belles répertoire. Pour moi, le sommet de la partition se trouve dans le quatuor « Tendre amour », une merveille avec très jolis frottements comme on n’en trouve guère (sur d’aussi longues périodes) dans le répertoire français avant Rameau. Le sommet dans le genre se trouve dans les Parques d’Hippolyte dont tu signalais l’apparition prochaine. 🙂

    Enfin, sur les basses : Deletré est une véritable basse, donc beaucoup plus d’assise grave que Naouri. Et Correas a une élégance et un verbe qui ne permet (j’ai bien dit ne permet) à personne de le comparer. (:-D

  2. admin dit :

    Oui oui je ne le nie pas ça sonne très propre, studio. C’est vrai, mais enfin ça sautille bien.
    Pour le reste, ce n’est vraiment pas ce que j’y cherche la psychologie des personnages ^^.
    Oui oui je suis d’accord « Tendre amour » c’est magnifique, j’ai oublié de le citer.
    Bon je vois que tu aimes beaucoup ces chanteurs 🙂 Je reconnais quand même que c’est magnifique (mais j’ai un vrai faible pour Naouri).
    Je peux écouter une oeuvre comme celle là, rien que pour ce genre de voix ^^.

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