Fauré, Debussy, Poulenc, se pourrait être le trio le plus important de la mélodie française : ils se sont abondamment illustrés dans ce genre et y ont donné parmi leurs plus belles pages. Aussi il faut bien reconnaître que le programme proposé dans ce récital mélodique chanté par Véronique Gens (enregistré en 2000), n’est pas de la plus folle originalité. Et c’est d’autant plus vrai que les mélodies choisies sont plutôt parmi les plus connues. Et pourtant ce disque est indispensable tant Véronique Gens s’impose avec la plus désarmante des évidences. Vous pouvez écouter ce disque gratuitement en toute légalité par le lien suivant :
Ceux qui ne connaissent pas le monde de la mélodie, découvriront le Fauré de jeunesse : encore très mélodique, très accessible, il peut constituer une bonne porte d’entrée au monde de la mélodie. Les plus habitués découvriront peut être Sylvie et Lydia, elles aussi deux charmantes mélodies de jeunesse. Il y a deux écueils interprétatifs potentiels avec ces mélodies fauréennes : tomber dans la sorte de miévrerie, ou au contraire dans une préciosité artificielle et salonarde. Véronique Gens fait bien mieux qu’éviter ces pièges : elle donne à ces mélodies un naturel définitif, sublimant l’alliance entre ces poèmes et cette musique. Qui a dit que la vérité en art n’existait pas ?
Les mélodies debussystes, plus abstraites, sont encore plus fascinantes, tout particulièrement les Trois chansons de Bilitis. Véronique Gens y est peut être encore plus confondante de beauté que chez Fauré ou chez Poulenc. Un peu moins connues peut être, les mélodies de Poulenc montrent tout le génie de leur auteur. Grand amateur de poésie, et possédant un sens mélodique comme peu de ses contemporains, c’est tout naturellement qu’il excelle dans ce genre. Il vous suffira d’écouter ses cinq Banalités pour en être convaincu. Elles distillent une ambiance originale, que certains auditeurs – mais pas nous – qualifieront de légère, immédiatement reconnaissable.
Un disque on ne peut plus indispensable dans la collection d’un honnête mélomane.
« Qui a dit que la vérité en art n’existait pas ? »
Je crois que ça résume effectivement assez bien l’art de Véronique Gens. Difficile de faire à la fois plus immédiatement beau et plus exactement dit, c’est à chaque fois très évident et assez profond.
Pour les Banalités, ça pose le problème de l’adéquation du ton avec l’œuvre (on attend plutôt quelqu’ chose… d’imparfait), mais ça n’en reste pas moins, dans la discographie assez sinistrée de l’œuvre (pourtant très bien servie en concert au fil des ans !), une des interprétations les plus convaincants.
J’aurais envie de contester ta proposition de trois noms de référence pour la mélodie, et on pourrait sans doute sur tout un tas de critères, mais il est vrai que pour aborder le genre, ce sont trois compositeurs importants, et qui incarnent chacun une composante très différente du genre (salon, abstraction, prosaïsme – si on veut absolument les résumer en un mot, malgré la diversité de leurs corpus respectifs).
Encore un excellent choix du Cololiblog !
Il faut dire que tu es bien plus difficile que moi en matière de mélodie (ce qui donc n’est pas le moindre compliment pour Véronique Gens).
Ce sont les 3 compositeurs majeurs de la mélodie dans le sens où ils se sont beaucoup investis dans le genre, qu’ils furent féconds en la matière … et qu’il y a beaucoup de chefs d’œuvre, et que leur affinité, leur style rejoint ce genre là. Je parle moins de l’influence musicale sur les autres compositeurs, car je trouve que c’est un argument moins important (on peut pondre plein de chefs d’œuvre, sans pour autant avoir une postérité … ça ne veut pas dire que le corpus n’est pas important).
En pourcentage important de l’œuvre totale, on pourrait aussi citer Duparc (et Ravel, même si c’est inégal), sans parler d’autres compositeurs moins illustres mais qui me sont encore plus chers (Halphen, Dupont, Ropartz…).
Ce sont les compositeurs angulaires, les standards, et parmi les meilleurs, mais peut-on parler des « 3 compositeurs majeurs », ça se discute. Un peu comme lorsqu’on dit Schubert-Schumann-Wolf pour le lied, ça passe sous silence pas mal de compositeurs particulièrement intéressants (en particulier après, en cela ta proposition est plus représentative des styles).
Ce n’est absolument pas une incitation à ne pas écouter les autres. Et évidemment que Duparc et Ravel c’est majeur. Ca se veut plus une incitation pour ceux qui ne connaissent pas le monde de la mélodie, à franchir le pas. Et dans ce sens là ce disque peut être une porte d’entrée ô combien magnifique (programme classique et interprète superlative).
Complètement. 🙂
Oui, ce sont trois grands noms… mais il ne faut pas oublier tous les autres, dans un style peut-être moins « intellectuel » et plus galant, mais superbes aussi : Hahn, Gounod, Massenet, Berlioz, Chausson, Lalo, Saint-Saëns…
Par exemple, les Expressions Lyriques de Massenet sont une oeuvre vraiment intéressante je trouve… et Massenet avait à son catalogue environs 250 mélodies… Gounod dans les 200 si ma mémoire est bonne. Après, c’est sûr qu’ils sont moins écoutés de nos jours car plus marqué « mélodie de salon ». Sauf que chez chacun on trouve des pièces passionnantes et splendides, qui échappent à leur cadre.
Par contre, totalement d’accord pour l’art de Véronique Gens dans la mélodie française… j’écoutais l’autre jour son disque Berlioz/Ravel et c’est frappant comme elle sait quoi faire de chaque mot, de chaque ambiance… et le tout avec un naturel confondant.
Oh mais il ne s’agissait pas d’ostraciser quiconque 😉
Je sais… mais c’est juste que les trois là sont plus connus pour leur mélodies… mais n’oublions pas les autres! 😀