La « messe pour orgue » est un genre musical exclusivement français aux XVIIe et XVIIIe siècles. Sa fonction est avant tout liturgique : il s’agit de compositions jouées en alternance avec le plain-chant de la messe. Ainsi le nombre de pièces d’orgue est fixé à 21, et leurs noms est l’addition du nom latin de la partie de la messe avec la registration (là aussi spécifique à l’école organistique française baroque).
François Couperin (1668-1733) est le plus célèbre d’une lignée d’organistes-compositeurs, titulaire de l’orgue de l’église parisienne de Saint Gervais. C’est sur ce même instrument que Aude Heurtematte joue ici les deux seules oeuvres pour orgue de Couperin : ses deux messes, l’une pour les paroisses, l’autre pour les couvents. Il est un des rares instruments baroque français à être dans un état proche de celui d’origine.
Seules dans le corpus organistique du compositeur, elles constituent cependant un véritable coup de maître, au point qu’il est assez légitime de les considérer comme le sommet de l’orgue baroque français, avec celle de Nicolas de Grigny. Ces oeuvres, bien que de jeunesse montre une appropriation totale de la tradition de ce genre, et une veine mélodique hors du commun (tous les passages avec la cromorne montrent bien celà). Globalement, celle pour les Paroisses semble au dessus de sa petite soeur des Couvents, mais s’est se confronter aux limites de vouloir hiérarchiser entre deux chefs d’oeuvres. Si vous voulez vous faire une idée de l’oeuvre, écoutez Elévation, tierce en taille de la Messe à l’usage des Couvents (l’antépénultième).
Si vous regardez la discographie des messes pour orgue vous serez bien vite confrontés à faire un choix entre les versions alternant les pièces pour orgue avec le plain-chant (qui n’est pas du compositeur) et les versions se présentant sous le forme d’une suite de vingt et une pièce pour orgue. J’ai pour ma part une préférence pour cette deuxième solution, car le plain-chant génère une ambiance trop différente des parties à l’orgue. C’est donc seule qu’Aude Heurtematte s’attaque à ces deux messes. L’interprétation est plutôt sage, et l’instrument plus intimiste que grandiloquent. Belle version assurément, même si mon goût personnel me porterait à des versions un peu plus spectaculaires (mais sûrement moins dans l’esprit de l’oeuvre).