Falstaff a une place unique dans l’œuvre de Verdi. Et pas seulement car c’est le dernier d’une carrière de compositeur lyrique qui s’étale sur plus de 50 ans, ni même parce que c’est la seule tentative d’opéra bouffe de Verdi depuis son infortuné Un giorno di regno en 1840, mais avant tout car sa musique est profondément différente du reste de l’œuvre de Verdi. Sa musique se fait ici sensiblement plus raffinée et complexe. Tous les codes de l’opéra du XIXième sont rejettés : il n’y a pas d’air qui se détache (il va même plus loin que Wagner en la matière) ou encore pas d’ouverture ou de prélude (comme Otello, et préfigurant Salome et Elektra). Les mauvaises langues rajouteront « pas de mélodies ». Pourtant la mélodie est bien présente, mais bien plus diffuse, moins claironnée que d’habitude. Autre différence notable : il n’y a plus la possibilité pour les chanteurs de faire leur numéro de bravoure vocale. Pourtant la partition est loin d’être une promenade de santé pour le rôle titre qui possède dans le premier acte, des aigus bien tendus pour les baryton-basse qui le chantent habituellement. L’esthétique de la partition prend totalement le contre-pied de Wagner. Là où Wagner est dans la logique du développement infini et de l’étalement, par la transformation incessante (et ô combien fascinante) des motifs, Verdi est ici dans la concision et la fugacité la plus extrême. L’oeuvre se prête donc idéalement à l’écoute répétée. L’acte 3 peut sembler de prime abord moins passionnant musicalement. Il n’en est rien car Verdi nous offre un joli tableau sylvestre qui rappelle agréablement l’opéra baroque. Et puis connaissez-vous beaucoup d’opéra du XIXième ou du XXième qui finissent par une fugue ?
Le livret est l’adaptation des Joyeuses Comères de Windsor de Shakespeare par Arrigo Boito, et la troisième incursion (après Macbeth et Otello) de Verdi chez le dramaturge anglais (qu’il vénérait). Il conte les tribulations de Sir John Falstaff, chevalier de son titre et pansu de son état. Si Falstaff aime boire et manger plus que de raison il aime tout autant la chair. Et quoi de plus naturel pour payer ses dettes d’auberge que de se servir de ses talents de séducteur ? Talents imaginaires, ou du moins passés que ces dames vont lui faire passer l’envie d’exercer pour longtemps.
La version ici mise en lumière, je ne la recommande hélas absolument pas. Solti n’a ni l’urgence dramatique ni la transparence si nécessaire à la partition. José van Dam est d’évidence trop loin de sa personnalité pour rendre un Falstaff crédible. Vocalement ce n’est pas un désastre, mais la concurrence étant rude, nous sommes obligés de pointer le fait que la partition le met en difficulté dans l’aigu ou encore que le falsetto n’est vraiment pas maîtrisé. Dans ces conditions le reste de la distribution paraît assez plat, à commencer par le Ford de Paolo Coni.
Plus loin que Wagner, pas vraiment, dans la mesure où Parsifal (sans parler de Tristan !) sont écrits depuis longtemps lorsque Verdi met en chantier Falstaff .
Mais oui, plus loin que Tannhäuser, Lohengrin ou les Maîtres, c’est vrai.
Niveau enregistrement, j’aime beaucoup Giulini, et encore plus la version sur le vif récemment parue chez ICA. Sinon Abbado, luxueuse valeur sûre.
Et pour toi qui aimes les DVDs, celui de Vick est électrisant.
Je connais le DVD avec Muti à la baguette (excellentissime, pour la mes, la direction et surtout le Falstaff de Maestri … sans parler de tout le reste de la distrib).
La version Abbado est géniale.
Falstaff est le second opéra présenté au festival du bicentenaire à Parme. Pour l’occasion ça sera au teatro Verdi de Busseto, ville natale du compositeur.
Justement : le DVD Muti montre ce théâtre qui à l’air vraiment magnifique, et totalement idéal pour Falstaff 😉