Le Chevalier à la Rose, cinquième opéra de Richard Strauss, et deuxième collaboration avec Hofmannsthal, marque un tournant dans la carrière du compositeur. Après le flot de décibel, la tension dramatique extrême, et l’audace harmonique d’Elektra, Strauss veut « revenir à Mozart ». C’est une autre facette de lui que montre ici Strauss, plus détachée de l’ombre de Wagner. Il inaugure le genre de la « conversation en musique » qu’il utilisera dans Intermezzo, Arabella ou encore Capriccio. Si l’action se déroule au XVIIIième siècle, c’est plutôt la Vienne de la fin du XIXième que la musique (la valse n’existe pas encore) et les comportements des personnages suggèrent. Sur ce dernier point, Strauss montre clairement avec une noblesse obligée de s’unir à la bourgeoisie, pour de basses raisons financières, ou encore le manque total de raffinement d’Ochs, une décadence de l’aristocratie déjà très largement entamée. Si l’on rajoute à celà, la sublime mélancolie de la Maréchale, la conséquence, c’est que cet opéra ne rentre pas vraiment dans la case de la comédie. L’oeuvre arrive à mélanger l’insouciance de la comédie, et la profondeur de la tragédie. L’insouciance est celle de la noblesse encore trop sûre d’elle, et le désarroi c’est celui de la Maréchale, et de son monde qui se termine. Musicalement, Strauss livre là un de ses plus grands chefs d’oeuvre (et je crois également le plus populaire), un incontournable du répertoire lyrique.
Enregistrement très célèbre que celui de Carlos Kleiber datant de 1979 au Bayerische Staatsoper de Munich, pour ne pas dire mythique. Mais mythifié à juste titre ! On passera rapidement sur la direction de Carlos Kleiber extrêment vivante, juste et dans l’esprit de l’oeuvre, sans équivalent dans la discographie. Le plateau vocal lui aussi ne pourra trouver son équivalent. Si Gwyneth Jones est crédible et même géniale dans des rôles très différents de la Maréchale, je ne fus pas étonné d’apprendre qu’elle considérait que c’était le rôle le plus proche d’elle, tellement son incarnation semble totalement naturelle. Vocalement, la voix n’est pas encore entachée du terrible vibrato qu’on lui connaît. Si le baron de Manfred Jungwirth est très honnorable, l’Octavian de Brigitte Fassbaender semble idéal (timbre corsé, scéniquement très crédible). Reste la Sophie de Lucia Popp, bien que vocalement magnifique, paraît plus empotée qu’autre chose sur les planches. On pardonnera celà volontier quand on voit l’ambiance générale de cette production d’Otto Schenck. Bien sûr il ne manque rien du superflue et du faste de la Maréchale, mais celà fait précisément partie de l’oeuvre.
Je précise enfin que cette vidéo a fait l’objet d’une édition dans un coffret de DVD consacré à Kleiber, qu’il est conseillé d’acheter – si il n’est pas hélas déjà épuisé.
Bonjour Admin (tu n’as pas un petit nom ici ?),
Il existe pourtant encore mieux en matière de direction : Carlos Kleiber au début des années 90 (paru également en DVD, dans la même production confite). 🙂
(Philippe Jordan à Bastille aussi était suprême, dans un genre un peu plus détaillé et un peu moins dansant, si j’en crois les captations radio.)
Popp joue toujours comme cela (et encore, Sophie peut à peu près convenir si on ne regarde pas de trop près, mais Arabella… et je n’ose me figurer sa Vitellia !). C’était surtout sa voix qui fascinait, mais dans le rôle de Sophie la plus-value n’est pas forcément évidente, ça sonne très bien aussi pour des voix plus légères.
Je n’ai entendu que la bande son de ce DVD (Dieu soit loué !), mais c’est effectivement remarquable.
Pour le ptit nom nous verrons 😉
Et bien non, tu as tort ! Il faut l’avoir vu. Ce n’est pas exactement les mêmes décors que la version des années 90.
Alors que ce soit clair : elle est excellente cette version de 94, avec Moll, von Otter et Lott … mais là on touche au divin. Jones est géniale, tout respire au plus juste. Et ne me fait pas le coup du kitsch … Rosenkavalier, c’est kitsch et ça fait partie du charme 🙂