Le madrigal est un genre musical né au XVI° siècle, et qui ne restera finalement qu’un siècle sur l’échiquier musical européen. Il s’agit d’une composition vocale polyphonique (mais qui va évoluer vers la monodie, annonçant par là l’opéra), sans accompagnement instrumental (là aussi, le genre évoluera vers un accompagnement instrumental, préludant là encore à l’opéra) et sur des textes profanes (essentiellement les poètes italiens de la Renaissance). Monteverdi occupe une place très spéciale dans cette fresque. Il est le dernier grand nom à avoir écrit des madrigaux, mais pour plusieurs raisons il ne peut être tenu pour représentatif du genre. D’abord son langage musical symbolise à lui seul toute la mutation musicale entre musique de la Renaissance et la période baroque qu’il annonce. Pour compliquer le tableau, son langage n’est lui même pas uniforme stylistiquement tout au long de sa vie : la composition des huit livres de madrigaux qu’il a écrit s’étale sur toute sa vie (assez longue pour l’époque), et il est évident que sa forte participation à la création du genre opéra va influer sur sa composition madrigalesque. Le madrigal se rapprochant certainement trop de l’opéra, son existence devient probablement caduque, d’autant que le nouveau genre commence à devenir populaire. Enfin à partir du sixième livre, Monteverdi intègre la basse continue. Le dernier livre franchit un pas supplémentaire dans sa ressemblance avec l’opéra par son degré polyphonique moindre : la voix chante davantage en solo, même si le principe polyphonique est toujours présent (et plus qu’à l’opéra). C’est aussi le livre le plus connu, grâce à son tube, le Lamento della Ninfa. Voici un lien qui vous permettra de goûter aux beautés sans fard de cette musique (légalement et gratuitement) :
Ce dernier livre de madrigaux, composé en 1638, plus long que les autres, se divise en deux parties symétriques : les madrigali guerrieri et les madrigali amorosi. Ainsi héroïques ou langoureux, c’est en fait une large palette de sentiments qui est utilisée comme l’illustre la diversité des rythmes, des combinaisons vocales et des ambiances musicales. Bien sûr cette diversité repose malgré tout sur un socle commun : celui de l’intimité, qui indéniablement est une partie du charme de cette musique. L’autre charme est lié à la qualité intrinsèque de la musique de Monteverdi à savoir que c’est une musique clairement colorée. C’est toute la complexité des images que compose la lumière d’Italie que Monteverdi nous invite à observer.
Rinaldo Alessandrini spécialiste du baroque italien, semble ici totalement à son affaire. Les tempi semblent toujours justes, et il sait garder la couleur de cette musique évitant de tomber dans un ascétisme qui contredirait la musique. Les chanteurs ont eux aussi ces qualités : ils ne se contentent par d’arborer leurs beaux timbres, mais parviennent à faire totalement vivre cette musique, là où il est particulièrement à la mode d’y produire quelque chose de trop léché, de trop objectif.
Salut !
Amusant de dire qu’Alessandrini évite le léché à la mode ; à mon avis, c’en est plutôt le parangon. Et dans les Madrigaux, c’est objectivement parfait : petites voix droites, tempi allants et mobiles… Mais, précisément, je trouve que ça manque un peu de vie et d’abandon.
Dans les intégrales, il n’y a pas forcément beaucoup de choix (j’aime davantage la Venexiana, c’est tout aussi léché, mais plus poétique) ; dans l’absolu néanmoins, l’idéal se trouve plutôt du côté des Arts Florissants pour moi… en apparence, sans doute des timbres plus dépareillés, presque brouillon (vraiment qu’une apparence !), mais le texte vit extraordinairement.
Si tu as l’occasion de comparer l’Orfeo d’Alessandrini avec Harnoncourt 68, tu verras ce que je veux dire (il faut dire qu’en l’occurrence, il s’agit quasiment d’une caricature !).
Bien sûr qu’Alessandrini fait ici dans le propre et le beau. Mais pas seulement. Et la limite entre ce qui est « léché » ou pas est en fait assez mince parfois.