Le Martyre de Saint Sébastien est une oeuvre à la genèse complexe. Au départ, Debussy devait mettre en musique le texte de Gabriele d’Annunzio (écrivain italien, mais ce texte est écrit de sa plume en français). L’oeuvre d’Annunzio compte au moins 4000 vers, et l’exécution de l’oeuvre devait donc durer 4 ou 5 heures, ce qui fut un obstacle majeur pour le spectateur assistant à la création au Châtelet en 1911 (assurée par André Caplet qui avait aidé Debussy pendant la composition). Et c’est sans compter les menaces pontificales d’excommunication pour tous les spectateurs qui oseraient braver l’interdiction. C’est le mélange complaisant entre paganisme et christianisme qui est à l’origine de ce véto papal. Devant l’extrême difficulté à représenter une telle oeuvre, Germaine Inghelbrecht créera une version d’environ 1h15, supprimant la majeure partie des textes (limités au seul récitant), mais en conservant l’intégralité de la musique. La plupart des enregistrements se basent là dessus, et c’est le cas de cette version. Debussy est ici encore plus épuré que d’habitude. C’est diaphane, et raffiné au possible tout en étant très inspiré et efficace. Debussy signe là (encore) un chef d’oeuvre, et il est dommage que cette oeuvre ne soit pas plus connue.
Direction vraiment parfaite de Jacques Mercier, qui si il n’est pas un inconnu, n’est d’évidence pas reconnu à sa juste valeur. Le récitant en la personne de Michael Lonsdale pourra diviser. Son incarnation à la fois exaltée et teintée d’une impression sado-masochiste, rend le personnage très engagé. Pour ma part je trouve sa prestation bluffante, par sa conviction et l’utilisation totale des possibilités de la voix.
Je rajoute que cette version a été reéditée dans les coffrets économiques Sony sur la musique française. Hélas j’ai l’impression que ces coffrets sont devenus rares.