Nous avions déjà commenté (ici) un disque où Véronique Gens interprétait magistralement Fauré, Debussy et Poulenc. Aujourd’hui nous nous pencherons sur un disque plus récent (2012) où la soprane s’attaque à deux autres géants de la musique française : Berlioz et Ravel.
Herminie, cantate pour soprane et orchestre composée par Berlioz en 1828 pour le Prix de Rome (mais qui ne lui vaudra qu’un second prix), est la rareté du disque. Sur une vingtaine de minutes, Berlioz nous peint le portrait de la princesse Herminie d’Antioche, solidement convaincue qu’elle bravera tous les périls pour sauver Tancrède son aimé, pourtant ennemi de son peuple. Ce récit est inspiré du poète italien du XVI° siècle Le Tasse, qui aura inspiré avant Berlioz, rien moins que Monteverdi (Il combattimento di Tancredi e Clorinda inclus dans son huitième livre de madrigaux), Lully et Gluck (Armide), Haendel (Rinaldo) ou encore Rossini (Armida). De fait les trois airs et les récitatifs d’Herminie sonnent totalement du côté opératique de l’œuvre de Berlioz et non du côté mélodique. Question de raffinement musical bien sûr, et d’exposition des sentiments toujours plus outrancière à l’opéra. La bonne surprise pour nous auditeurs, toujours avides de découvertes charmant notre esprit, c’est l’inspiration de Berlioz dans cette œuvre de prime jeunesse que le manque d’expérience de son auteur et le formatage lié au Prix de Rome avaient toutes les chances de rendre anecdotique. Une pièce qui ne dépareillera donc pas un catalogue pourtant sensiblement garni en chef d’œuvre.
Les Nuits d’été, sont un cycle de six mélodies que Berlioz composa autour de 1838, sur des poèmes de Théophile Gautier. La première publication (en 1841) fut une version piano-chant. Ce n’est qu’à partir de 1843 que Berlioz travaillera à parer de couleurs son œuvre en l’orchestrant. Si la Villanelle relève de la fraîcheur printanière, les autres mélodies sont sensiblement plus torturées. Dans Absence on entend même un lien de parenté avec le Lohengrin de Wagner. Ce cycle très enregistré par toutes les sopranes de réputation internationale est véritablement une des très belles pages de Berlioz que « l’honnête mélomane » se doit de connaître. Véronique Gens très demandée dans ce répertoire en salle y est parfaitement à sa place. Certes l’instrument a mûri et n’a plus totalement le naturel désarmant de son disque Fauré / Debussy / Poulenc, mais elle n’en reste pas moins une référence dans ce répertoire (qu’elle dit aimer, et cela s’entend).
Pour clore ce disque, un cycle mélodique non moins connu et enregistré : Shéhérazade de Maurice Ravel (et on retrouve d’ailleurs ce couplage dans un enregistrement de Régine Crespin avec Ernest Ansermet). Ce cycle de trois poèmes de Tristan Klingsor d’une quinzaine de minutes, fut composé en 1903 par un Ravel fasciné comme beaucoup de ses contemporains par l’Orient. Inévitablement il révèle le lien du compositeur avec Rimski-Korsakov et son poème symphonique Shéhérazade, mais d’une façon générale son attachement à la couleur de la musique russe (il suffit de penser à son orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski ou son immense respect pour la musique de Stravinski). Ravel montre là une de ses meilleures pages (il est vrai que ce compositeur n’a écrit presque qu’uniquement des chefs d’œuvre), qui ravira les amateurs d’atmosphères oniriques et des mille et une couleurs de ses contes orientaux. Une véritable invitation au voyage, certes dans une vision totalement idéalisée, fantasmée, idyllique et par là trop parfaite, mais qui malgré tout continuera durablement à nous envoûter.
Magnifique disque en effet (même si j’aime davantage ses Nuits avec Langrée) !
Oui, avec Langrée elle est plus finement accompagnée… mais je trouve que dans son interprétation avec Axelrod, il y a encore plus de nuances et un petit ton détaché et mélancolique qui va si bien avec ce cycle.
Et puis Shéhérazade est splendide!
Donc les deux mon capitaine!